Voici ma proposition, très personnelle, mais parfois, partager peut aussi libérer. Je suis désolée, j'espère que je suis tout de même dans le thème, il ne s'agit pas d'une oeuvre à proprement parler mais de plusieurs oeuvres, plusieurs dessins similaires qui m'ont aidée à me construire (on pourrait dire qu'il s'agit de l'oeuvre d'une vie, ou plutôt de l'oeuvre d'une identité).

/! Trigger Warning : troubles alimentaires évoqués /!


Peindre, dessiner, écrire....laisser une trace sur la toile blanche qu’est le monde. Il s’agit là de s’exprimer, d’exprimer ses émotions, ses sentiments, de partager son univers tout en essayant également de l’appréhender soi-même. C’est une manière pour chacun de pouvoir réfléchir, comprendre et amener les autres à comprendre les sensations sensibles expérimentées, ressenties.
Aujourd’hui, je vais vous parler d’une histoire. Celle d’une jeune femme, d’une petite fille, d’une adolescente, toutes les trois réunies dans la même identité ; cette personne souffre depuis des années de dysmorphophobie ainsi que de troubles alimentaires, chose qu’elle a cachée jusqu’à ne plus le pouvoir, jusqu’à céder à la tentation mortelle qui a déchiré le voile qu’elle essayait de maintenir. Des années plus tard, elle souffre encore des stigmates, véritables cicatrices de ces troubles ; cependant, elle vit avec eux, elle cohabite avec eux. Un seul fil lui permet de tenir encore debout, de maintenir la tête hors de l’eau face à cette souffrance perpétuelle qui ronge son corps et son esprit : l’art. Le dessin, la peinture, les oeuvres qu’elle crée la transportent vers un univers, le temps d’un instant, et l’accompagnent dans son combat solitaire. En outre, les courbes qu’elles dessinent, les lignes, les traits, ce sont son imaginaire, sa maladie qui les exécutent ; elle est incapable de se dessiner de manière objective, et pourtant les mannequins qu’elle trace lui font tout de même prendre conscience de cette fragilité qu’est son imaginaire, ce monde de l’ombre, où tout ne dure qu’un instant. Cette trace qu’elle inscrit, comme au fer rouge, sur les feuilles de papier, c’est un moyen d’ancrer son mal-être mais par la même occasion de se libérer de cette emprise aliénante des corps, du corps, de son corps.
Cette barrière poreuse, où les deux mondes se côtoient, où tout n’est qu’illusion, que perspective, où les seules limites sont posées par l’esprit. Cet univers qu’elle a pu appréhender lui a justement permis de comprendre, d’accepter son éphéméréité, et parallèlement, de se nourrir de manière chiasmique de ces deux mondes, d’apprendre de chacun d’eux, tout en gardant le fil conducteur qui la fait vibrer et tenir : l’art.
L’art lui donne la perspective proportionnée dont elle a besoin dans sa vie, l'art l’apaise et la renforce tant bien dans l’univers dans lequel elle vit que celui dans lequel son esprit évolue. Elle crée des ponts, comprend le caractère malléable des choses, du corps, de la vie, des sentiments, elle peut à présent se libérer de cette souffrance car elle sait que ce qu’elle voit de son corps n’est pas la réalité, tout cela n’est que dans sa tête ; aussi elle vit, elle vit, elle vit.
Elle peut prendre un crayon et dessiner sans avoir à regarder ses formes osseuses et émaciées pourtant encore trop grosses, disproportionnées, effarantes. Lorsqu’elle s’observe dans le miroir, elle s’imagine dessiner ses courbes, les ajuster, à la manière de ses esquisses ; elle peut moduler la perception de son corps grâce à cet imaginaire qu’elle s’est créé, cet univers entre deux mondes qu’elle a construit, issu d’une bulle éclatée, où elle se sentait à l’étroit et qu’elle a ainsi brisée pour former une nouvelle bulle dans laquelle elle est à l’aise, confortablement installée.
Elle vit, elle vit, elle vit.

Dernière modification par alhyn (06-04-2021 16:34:18)

Je voudrais vous parler de Syrinx...

Syrinx, cette nymphe de la mythologie grecque, connue pour avoir repoussé les avances et fui le dieu Pan. Elle se métamorphosa en roseau pour lui échapper. Pan, chagriné par cette fin tragique, se consola en fabriquant de ce roseau, et à l'aide de cire d'abeille, une flûte : la première flûte de Pan, aussi appelée Syrinx.


Je joue de la flûte traversière depuis mes 7 ans. Cela fait plus de 20 ans aujourd'hui.
Lorsque j'avais 10 ans, j'ai entendu pour la première fois Syrinx, pièce pour flûte solo, écrite en 1913 par Claude Debussy. J'ai été transportée.

Ce jour-là, je me souviens avoir dit à mes parents, eux aussi musiciens : voilà, c'est ça que je veux faire ! Je veux jouer comme ça, avec cette aisance, je veux transmettre cette émotion.

Depuis ce jour, mon but c'était d'arriver à jouer cette pièce.

Cette œuvre a été écrite pour accompagner un poème de Gabriel Mourey, dans sa pièce Psyché. La musique évoque un dialogue entre deux nymphes, que Pan a enivrées grâce à sa Syrinx.

J'ai dû attendre quelques années, pour atteindre le niveau pour la déchiffrer.
J'avais 15 ans quand mon professeur a posé la partition sur mon pupitre.

Je me souviens m'être dit : ça y est !

J'ai travaillé et travaillé encore, écouté de nombreux enregistrements, jusqu'au jour où j'ai pu jouer Syrinx sur scène.
Alors, soyons honnête, il faut rester humble, mon interprétation n'était certainement pas à la hauteur de ce qu'ont pu faire les plus grands flûtistes.

Mais là n'est pas la question.

J'avais réussi. J'avais atteint mon but.

Pour moi, Syrinx restera toujours la pièce qui m'a le plus fait progresser, à force de travail et de détermination. Elle symbolise mon évolution en tant que flûtiste.

Le nom de Syrinx, que je trouve particulièrement joli, à la fois calligraphiquement et auditivement, me suit. Celles qui me connaissent un peu l'auront compris, j'ai même nommé une de mes dollz d'après cette œuvre, d'après cette nymphe.

Pour les plus curieuses, où pour toutes celles qui voudront se laisser emporter par un moment d'évasion, je vous propose d'écouter Syrinx, de Debussy :
https://www.youtube.com/watch?v=RNjroFNi7mA

Après cela, j'ai relevé d'autres défis, je vous parlerai peut-être un jour, de Chaminade... ;)

Après de multiples réflexions, pour ce défi, j'ai décidé de parler d'une peinture, plus particulièrement de "L'enlèvement de Proserpine, 1757" par Joseph-Marie VIEN
J'ai découvert cette peinture lors d'une visite avec le collège, j'étais alors en 3ème cela remonte donc à une dizaine d'années.
Nous avions donc quittés nos montagnes pour descendre en ville, à Grenoble plus précisément, là où nous avions fait quelques visites, lors de celle du "Musée de Grenoble" quelques oeuvres ont particulièrement retenu mon attention (ou dans lesquels je me suis particulièrement perdue) notamment l'oeuvre pré-citée...
J'ai tout d'abord été frappée par le format du tableau, carré et imposant (après vérification 320*320cm).

Puis par la scène choisie, un mythe (romain), dont je porte l'équivalent grecque particulièrement "en affection", expliquant la naissance des saisons.
L'indignation et la protestation d'une mère qui, face à l'enlèvement puis le mariage de sa fille, délaissera son rôle de Déesse de l'agriculture avant qu'un accord ne leur permettent de se retrouver la moitié de l'année, 6 mois de retrouvailles mère/fille se déroulant alors dans la joie et la prospérité, la symbolisation printemps & été mais ponctués par 6 autres mois, de séparation cette fois, induisants tristesse et austérité, la représentation l'automne & l'hiver.

Enfin, le tableau en lui-même...
De part la très belle représentation de Proserpine dans sa position ouverte, gracieuse, avec ses couleurs douces toutes en restant gaies et chatoyantes, sans oublier son air insouciant, ne pouvant imaginer que dans quelques instants sa vie entière basculera par un élément indépendant d'elle-même.
Je retrouve ici tout un symbole d'injustice/de fatalité ou encore d'aléatoire, toutes ces choses qui se manifestent sous diverses formes, contre lesquelles on souhaiterait lutter au quotidien sans avoir de réelle maitrise mais qui ne nous permettent, dans le meilleur des cas, que de réagir derrière elles.
Cet élément ici, c'est Pluton, sortant de l'Etna et surgissant de derrière les buissons avec son char.
On sent son élan, son ambition et sa puissance, on sait qu'il va littéralement s'abattre sur Proserpine mais on perçoit aussi qu'il va le faire de manière tout à fait incongrue et que rien ne pourra l'en empêcher.
Et enfin Cérès, apparait totalement spectatrice et impuissante, sous la forme de statue, mise en évidence par sa couleur pierre/marbre sur laquelle se reflète les couleurs de l'action... Je la vois un peu comme un "dégât collatéral", elle est dans le triangle qui forme l'action mais est seule à apparaître statique, comme si l'action faisait ricochet sur elle et qu'il reste à savoir si (voire comment) elle va pouvoir engendrer un effet de chaîne

A vrai dire, j'ai choisi ce tableau parce qu'il "dénote dans mes préférences", je veux dire par là que son visuel est resté imprimé dans ma mémoire alors qu'en général il s'agit d'avantage de peintures d'avantages "suggestives" (par interprétation des formes ou tout à fait différemment par celle des sens/connotations)
Mais aussi et surtout parce que je pouvais placer des mots et un sens dessus.


Pour le visuel (l'image provient du site du musée de Grenoble)


Et maintenant... je file écouter la vidéo notifiée par chaminade

Bravo ma belle alhyn,tu nous as vraiment émues avec ton histoire,il t'a fallut du courage pour en parler publiquement et tu l'as fait avec délicatesse en trouvant les mots justes. Qui touchent.
Félicitations à Chaminade, magnifique histoire, ainsi qu'à Clem,qui a cerné son tableau avec beaucoup de finesse.

Merci beaucoup pour cette place ! Ce fut un plaisir de vous faire découvrir cette œuvre qui m'est si chère !
Félicitation Alhyn !! et bravo à Clem également !

Dommage qu'il n'y ait pas eu plus de participations !