Je suis enfin devenue psychologue clinicienne, c'est clairement la concrétisation de toutes ces années d'études, de tout ce temps passé à être dans un cocon d'apprentissage, dans un cadre sécurisant. Et c'est à 24 ans, avec un sentiment d'illégitimité, d'angoisse dévorante et de vide que j'ai fait le choix de revenir ici pour déposer quelques mots parce que je n'ai plus l'impression d'avoir un endroit à moi dans lequel je peux dire ce que je sens, pense et ressens. Le fait est que j'ai l'impression d'être arrivée à mon terme, à ma fin, à ma date de péremption. Je me lève chaque matin en espérant mourir, qu'un train me percute, qu'un malade me tire une balle dans le dos par pure folie, que mon coeur s'arrête sans raison apparente. Je suis psychologue clinicienne et je suis meurtrie sans pouvoir me l'expliquer moi-même. Je suis comme bloquée dans un grand pot en verre : je suis une observatrice extérieure de ma propre vie mais je n'y participe pas. Le temps passe et je ne le sens même pas filer entre mes doigts, ma conscience de la temporalité est absente. Je passe mon temps à être absente, dissociée de moi-même, dans un ailleurs que je ne me représente plus. J'ai peur de grandir trop vite, mais je suis déjà arrivée à la fin de mon développement, je ne grandirai plus jamais. Et la vérité, c'est que j'en crève, chaque jour, chaque instant, de ne pas être similaire à cette image que je me suis créée de moi-même, à mon Idéal du Moi bien différent de la réalité mais qui n'est pas atteignable pour autant. Il fut un temps où ce site me permettait d'être qui je voulais, d'échapper à une réalité que je ne tolérais déjà pas. J'ai passé plusieurs années à me faire passer pour un garçon sur ce site, sous différents noms et de ne plus être moi-même. J'ai passé mon adolescence entière ici, passant plus de temps à parler avec des gens que je n'ai jamais vu en vrai plutôt que d'investir les vraies personnes de mon entourage. Et je me suis tellement auto-détruite à cause des gens rencontrées ici, que ce soit Régina que j'ai aimé de tout mon coeur et qui n'a jamais voulu me rencontrer en vrai ou bien les autres personnes qui avaient déjà pris trop de place dans mon coeur d'adolescente en mal de vivre. Ma vie d'adulte est devenue fade, c'est comme si je repoussais constamment le jour où je ferai en sorte de m'ôter la vie. Je ne sais plus trop quoi penser.